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4 septembre 2015 5 04 /09 /septembre /2015 17:08

16 Décembre 1944 , mon demi bataillon est campé dans un ravin le long de la frontière entre l'Allemagne et la Belgique , face à nous des arbres s'ouvrant sur un terrain qui nous sépare de l'autoroute internationale.

 

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© Bo Wilkins Jr

John McCauley était de garde cette derniere nuit dans notre position enfermée. J'étais endormi dans mon foxhall (trou de fusillier) . Mac est venu me réveiller pour me dire qu'il y avait quelque chose d'inquiétant et qu'il fallait voir ce qui se passait. Nous sommes allés voir et le front tout entier était baigné dans des projecteurs du côté allemand.

Les tirs de barrage entraient en action et beaucoup d'éclats d'obus atterrissaient dans les arbres derriere nous. Comme nous étions dans le ravin, nous avions une protection naturelle bien que notre position restait ouverte derrière nous.

photo 3eme

© Bo Wilkins Jr , dessin de ce dernier

Soudainement Mac me dit " je suis touché, je suis touché " . Il avait été touché à la fesse gauche, et nous lui avons enlevé son pantalon pour voir. Il n'y avait pas la moindre trace de blessure, C'est en regardant dans son pantalon que nous avons trouvé un morceau de shrapnel logé dans son portefeuille. Nous commencions à entendre des tirs de fusil venant de la forêt derriere nous, sans savoir qui tirait, et je decidais d'aller vers le 2eme peloton CP et voir ce qui se passait , nous n'avions d'autre choix étant dépourvus de tout moyen de communication avec quiconque. Mac et moi sommes retournés dans notre foxhall pour nous munir de nos fusils. Mac était dans lefoxhall et prenait des munitions. En sortant du foxhall ( il n'y avait le passage pour sortir que pour une seule personne à la fois ) je constatais que nous étions sur le point d'être attaqués par la droite, près des arbres qui bordaient l'autoroute où notre ravin devenait plat et se trouvait à découvert. Un groupe d'Allemands essayait de lancer un panzerfaust(roquette) vers notre foxhall, pensant que c'était un bunker je suppose.. j'ai tiré trois salves vers eux, qui mettaient fin à l'attaque, dans les arbres derriere nous, les tirs commencaient à cesser et une voix nous demandait de nous rendre. Comme nous ne savions rien de la situation et ne sachant pas qui se trouvait autour de nous, nous n'avons pas répondu. Nous avons de nouveau entendu la demande de nous rendre et de notre position nous pouvions voir un groupe de mitrailleuses et autres fusils dans le massif d arbres au nord de notre position. Ils venaient vers nous au travers les arbres , la main sur le casque .

Après avoir décidé de nous rendre, je demandais si l'un d'entre nous possédait un mouchoir blanc et personne n'en détenait, alors j'ai pris ma chemise et l'ai nouée au bout de mon fusil et je l'ai agité. Finalement quelques allemands apparraissaient et se dirigeaient vers le haut du talus. alors que je m'approchais de l'officier allemand, il visait ma poitrine et m'a crié quelques mots que je ne comprenais pas, je réalisais alors que j'avais quatre grenades qui pendaient aux poches de ma tenue et je les ai enlevées avec précaution.

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© Bo Wilkins Jr , dessin de ce dernier

A l'arrière dans les arbres les soldats ennemis se tenanient en rang épaule contre épaule et pour autant que je pouvais voir ils étaient nombreux. Il y avait beaucoup d'Allemands morts qui jonchaient le sol enneigé, nos hommes les avaient tués jusqu'à épuisement de leurs munitions. J'apprenais plus tard que deux régiments de la 227eme Volksgrenadier allemande qui attaquait la Compagnie K , la 989th au nord et la 991th au sud de notre position , la 989th se retrouvaient pour finir entre nous et le 1er bataillon.

J'ai demandé à l' officier si je pouvais retourner dans mon foxhall pour y recupérer ma veste et j'y suis allé sous bonne garde. J'ai rempli mes poches de paquets de tabac pour la pipe. en sortant du foxhall, j'ai rencontré l'infimier harvey Stockwell . Un soldat allemand qui était blessé me dit  en anglais , j'ai besoin de votre aide , il me faut de la morphine. Je me suis rendu vers l'officier qui était dans notre foxhall et qui était en train de manger les dattes sucrées que la mère d'Harris lui avait envoyées pour Noël et qui me donna l'autorisation de donner de la morphine au soldat blessé. 

Trois d'entre nous etaient obligés de charger le soldat allemand blessé ( probablement un de ceux sur qui j'avais tiré vers son abri) et le conduire à l'infirmerie allemande. C'était sur le chemin que nous suivions et où les soldats allemands morts jonchaient le sol, l'endroit présumé être couvert par le 1er peloton ou la Compagnie de notre 1er bataillon.

Nous arrivons finalement au fortin allemand qui était devenu l'infirmerie, où nous déposons l'ennemi blessé. Un officier me demandait alors d'aller chercher vers le front une caisse de munition avec un autre prisonnier et sous bonne garde. Contrairement aux conventions de Genève, alors que nous quittions une nouvelle colonne de prisonniers arrivait conduite par le capitaine Plume notre commandant de compagnie. Je lui ai demandé << Peuvent-ils nous demander de faire cela ? >> , il m'a repondu << Ils semblent le faire...>>. C'était la derniere fois que je le voyais.

Alors que nous poursuivions notre chemin vers le front dans cet endroit boisé, notre artillerie commençait à tirer dans notre direction et un arbre touché par les tirs dispersait des éclats autour de nous blessant un de mes compagnons, l'amputant pratiquement de la main gauche. J'ai ouvert sa veste pour lui enlever sa ceinture pour faire un garot, et m'apercevait qu'un éclat d'obus avait abîmé sa ceinture et percé son estomac mais apparemment peu profondément. j'entourrais son bras avec la ceinture et dit au garde que nous retournions à l'infirmerie. il ne semblait pas comprendre ou ne savait que faire.....et nous l'avons laissé là..........

Lors de notre retour, alors que le feu venait de cesser, notre propre artillerie tirait vers nous. Elle nous mettait à terre pour la première fois mais mon compagnon pouvait se relever et continuer la marche. Lors d'un nouveau répit je demandais à mon compagnon de rester dans les arbres, tandis que j'envisageais d'aller voir ce qui se passait mais j'étais obligé de me cacher à mon tour, et immédiatement quatre salves atterrissaient dans notre espace. Nous nous empressions de fuir avant un nouveau tir de barrage , heureusement nous avions reussi à rejoindre l'infirmerie sans rencontrer d'autres problèmes , et je remmettais mon compagnon aux infirmiers allemands, c'était la derniere fois que je le voyais. Beaucoup de nos prisonniers et quelques uns de la Compagnie k étaient entassés dans le fortin pour la nuit.

Il faisait nuit noire, mais en furetant aux alentours, nous découvrons un sachet de biscuits pour nous alimenter. Ils avaient mauvais goût mais comme nous n'avions rien mangé de la journée, nous n'avions pas d'autre choix. Plusieurs des hommes faisaient de la ventilation manuelle pour obtenir un peu d'air dans le fortin. Au cours de la nuit d'autres prisonniers venaient nous rejoindre. L'un d'eux était souffrant et gémissait, j'apprenais plus tard qu'il sagissait de Harry Spencer de notre 1er peloton. Son nez était arraché, Leonard Halpern du 1er peloton avait un paquet de morphine qu'il administrait à Harry pour calmer sa souffrance, malheureusement Harry décedait un peu plus tard.

Voilà mes souvenirs du 16 décembre 1944, Bo Wilkins , Jr   Comp K 393.

A suivre............Bo Wilkins, Jr : Ma guerre est finie.

 

 

Source:

Bo Wilkins,Jr. K 393

The war and Wilkins

©1994 The War and Wilkins.

 

© Claude Timmermans 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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commentaires

P
Merci de l'évoquation de l'expérience de Bo. Pendant les derniers mois de 1944 beaucoup de ses compatriotes ont connu le sort peu enviable de POW, dont certains ne sont jamais revenus. A bientôt.
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C
Merci pour eux......nous ne devons jamais oublier
R
Comme toujours la précision est au rendez vous. J'attends la suite avec impatience. Je suis admiratif de tous ces combattants mais celui-ci est pour moi tout a fait particulier car on parle assez<br /> rarement des ces valeureux soldats qui ont été fait prisonniers lors de combats et se sont retrouvés renfermés le coeur et le corps meurtris. Je n'ai heureusement pour moi jusqu'à ce jour jamais<br /> été privé de liberté mais je sais combien les heures et les jours sont longs quand on ne peux faire à sa guise et je me doute que les souffrances endurées dans ses camps sont inexplicables. Merci à<br /> eux pour toutes ses souffrances terribles qui nous ont apportés notre liberté. Cette liberté qui de nos jours vaux de moins en moins malheureusement pour certains. Merci à toi Claude pour la remise<br /> en nos mémoires de ses moments historiques. Roger
Répondre
C
<br /> <br /> Tout simplement merci Roger<br /> <br /> <br /> <br />

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