Un jour en parcourant un réseau social , facebook pour ne pas le citer , je suis tombé sur une histoire très poignante, l'hommage d'une fille , Sabine Nivarlet, a son père. J'ai de suite décidé de la contacter pour lui demander si je pouvais à mon tour lui rendre hommage via mon blog? Elle acceptera de suite ..............je l'en remercie.
Bien que différent de mes publications habituelles, je ne pouvais passer à coté de ce témoignage. Cet homme a vécu l'enfer des camps de concentration et par chance il en est revenu..
j'ai comme d'habitude choisi le question réponse comme fil conducteur.....voici son histoire.
Sabine, presentez-moi votre papa en quelques mots ?
<<.......Francois Nivarlet est né le 19 aout 1926 dans une petite maison de Dieupart, sur la commune de Sougné-Remouchamps.
Fils de Robert Nivarlet, mécanicien et de Elvire Coppay, couturière à domicile. il a un frère, Robert, qui est son aîné de 3 ans et une petite soeur, Betty, qui sera de 3 ans sa benjamine.
Mon père n'aimait pas trop l'école, il arrêtera ses études à la fin de ses ''moyennes'' comme on disait à l'époque ( soit après la 2ème secondaire).
Sabine, racontez-moi la période entre le 10 mai 1940 et un jour de mai 1944 ?
<<........Le 10 mai 1940, son père quitte la maison vers 6h du matin pour rejoindre son groupe de DCA, il n'y reviendra que le 28 septembre 1945. Pour plus de facilité, le reste de la famille viennent habiter à Liege.
En Septembre 1941, il quitte l'école pour travailler, afin d'aider sa mère à survivre. Fin 1943, son patron est obligé de le déclarer à la "Werbestelle" ( organistion chargée du travail obligatoire) qui l'envoie travailler chez Pieper (fabrique d'armes) à Herstal....mais cela ne lui plaît pas du tout .
Mon père pour pouvoir quitter les registres de la "Werbestelle" fait semblant de vouloir s'engager à l'organisation "Todt" ( construction des fortifications du mur de l'Atlantique) ce qui le libère de chez Pieper.
Ce jour-là, il s'engage dans la Résistance, à l' A.S (armée secrète), il loue une chambre meublée et l' A.S lui fournit une fausse carte d'indentité, car l'organisation Todt le recherche activement.
le 14 Avril 1944, avec un autre résistant, il se rend à Chénée pour livrer des armes. A 100 m du lieu de rendez-vous, la police allemande les arrête et les fouille, malheureusement les armes sont découvertes, ils sont directement envoyés à la prison St Léonard à Liege, après un premier interrogatoire musclé de la Gestapo.
Condamné à mort en premier en "Schnelgericht" ( sans autre forme de procès) , il attend d'être fusillé. N'ayant pas 18 ans, il ne sera finalement pas fusillé, mais restera au secret, sans visites, colis, étant considéré comme mort.
Pour passer le temps, il joue au jeu de dames avec du pain ( les croûtes comme pions noirs, les mies comme pions blancs) mais après quelques jours il a tellement faim qu il finira par manger son jeu !!!!........>>.
Sabine, nous voici en Mai 1944 dans ce que j'appelerai "destination pour l'enfer" , parlez-moi de cette période ?
<<.....Le 20 mai 1944, il part a Buchenwald, entassé avec une centaine d'autres infortunés dans un wagon à bestiaux. Ils arrivent le 22 au soir, et sont placés dans le "petit camp", camp de quarantaine. A partir du 22 mai 1944 il n'est plus un homme mais un "Stuck", le n° 54343 et il reçoit son pyjama rayé.
Photo de gauche: vue aérienne du camp de concentration de Buchenwald après la libération, fin avril 1945. Photo : Reconnaissance aérienne américaine. Archives Nationales de Washington .Photo de droite: entrée du camp de nos jours.Image Wikipedia et S.N
Le 8 juin 1944, il est transféré au camp de Dora, où on les acceuille par: "Mort ou vivant, tout le monde doit être à l'appel". après quelques formalités, ils repartent pour un sous-camp ( commando) à Harzeugen. De là , ils partent chaque jour pour aller creuser les tunnels où seront construites les fusées V1 et V2. Etant myope, il obtient enfin une nouvelle paire de lunettes, récupérée parmi les milliers de paires prises sur les morts de Dora.
Pendant l'hiver 1944/1945, les températures descendent jusqu'à - 25 ° mais , à cette époque ils n'ont plus de vêtements à cause des poux. Ils resteront donc tous nus jusqu'en février 1945.
Début avril, ils repartent.....destination" l'enfer de Dora" :Ellrich.
Au milieu de la place d'appel, un bûcher pour un millier de morts y est dressé, il brûlera pendant 4 jours et puis on recommence.....60 ans plus tard, il y avait toujours des cendres sur cette place d'appel !!!!!
Le 7 avril 1945, les russes approchent et ils repartent une fois de plus en wagons à bestiaux vers Berlin à +/- 300 km pour un convoi de la mort .
Le voyage durera plusieurs jours ,sans manger ni boire, si ce n'est leur propre urine.
Pendant ce long et très pénible voyage ils seront attaqués par des avions russes qui les mitraillent, ils y aura beaucoup de morts, seuls 10 % survivront.
Ils arrivent au camp d'Orianenburg, pour être transférés directement aux usines Heinkel à Germendorf. Entre-temps mon père avait reçu un coup de crosse au visage qui lui avait arraché une partie de la lèvre, c'est ce qui va le sauver.Il a énormément de fièvre, et est admis au "Revier" du camp d'Orianenburg. Les survivants encore valides continueront la marche vers un petit bois où ils seront abattus....>>.
Sabine, un jour d'avril très important , que s'est il passé ?
<<....Le 24 avril 1945 vers 16h00 mon père est enfin libéré par les Russes, malgré cela ils n'auront aucune aide de ces derniers pour leur permettre de survivre, ils auront droit à une arme et ils leur diront que manger en allemand se dit "essen" , si comme reponse ils ont "nicht essen" ils ont le droit de tuer !!!
Pour reprendre les forces néccessaires pour le retour , il est resté quelques jours dans le village de Germendorf, ou il a obtenu une carte de ravitaillement pour le pain.Il faut dire qu'il ne pesait plus que 29 kg et que malheureusement il n'était pas au bout de ses peines.Il était dans le secteur russe et il devait impérativement rejoindre les Américains.....>>
Fin de la 1er partie...................................................................à suivre.
©Claude Timmermans