Remember 1944, le blog de Claude Timmermans

Dans l'article précédent nous avions quitté Ralph au moment où ils ont failli tomber nez à nez avec les Allemands.

Ralph, les Allemands ont lancé leur attaque le 16 décembre ?

<<.....Oui le 16, nous en avons entendu parler le 17. Nous avons reçu l'ordre le 17 de nous tenir prêt à y aller et c'était aux environs de 20 ou 22h. Le  matin du 18 décembre nous avons démarré pour nous rendre dans un coin dans les environs de Vielsam, pour occuper une petite crête. La route qui descendait sur la vallée était comme une autoroute, bordée des deux cotés par des crêtes, d'un côté nous et en face les Allemands. Nous étions  séparés de +/- 1 km, les Allemands tiraient sur nous et nous n'avions aucune chance, mis a part de tirer à vue. Une nuit notre ordre de mission était de nous rendre sur la crête de Thier du Mont à l'ouest de la Salm . Nous devions traverser la rivière et  rejoindre la crête avec tout l'équipement que nous avions, c'était très difficile. Tu sais Claude, même si nous étions en bonne santé physique nous étions absolument tous épuisés, nous n'avions eu aucun repos depuis que nous étions partis.....>>.

Ralph, et la neige et le froid ?

<<.....La neige et le froid, mais il n'y avait pas tant de neige que ça au sol à ce moment-là. Mais il a commencé à neiger pendant la nuit suivante, j'avais un sac de couchage et j'ai creusé une tranchée, tu sais une tranchée ou un foxhole ( voir photo d'illustration ). Je devais me coucher dans le foxhole et rentrer dans mon sac de couchage pour pouvoir essayer de me reposer un peu. Je me suis réveillé un matin avec 45 cm de neige au dessus de moi, j'étais bien au chaud, mais dès que j'ai ouvert mon sac j'ai su que j'avais un problème. C'est ce qui s'est passé, ça faisait partie de la bataille des Ardennes....>>.

Ralph, après où êtes-vous allez dans les Ardennes, où la 82nd a t-elle fini ? Quelle était votre mission ?

<<..... St Vith. Notre mission était de rejoindre Werbomont, ce qu'il s'est passé après que nous sommes arrivés en haut de la crête , nous sommes restés 3 ou 4 jours en haut . j'ai le souvenir que les Allemands arrivaient en force. Dans un premier temps, nous n'étions pas prêts pour des combats d'hiver. Nous n'avions pas de vêtements d'hiver, nous n'avions pas de surbottes, etc .... Je vais te raconter une petite histoire drôle au sujet des équipements arctiques.....>>.

Ralph ne raconte pas la petite histoire drôle , il enchaine de suite sur un autre sujet.

Ralph, quand est-ce que tu as reçu les équipements Arctics **?

<<.....Je les ai finalement reçu 3 ou 4 jours après....>>

* Ralph utilise le terme << Arctics >> qui est le terme utilisé dans la nomenclature américaine pour qualifier des surbottes en caoutchouc. 

Ralph, et ensuite ?

<<.....Après, nous avons reçu l'ordre de nous replier. Nous sommes revenus dans les environs de Vielsalm, c'était là ou j'avais traversé la rivière et la plaine. Nous sommes alors descendus près de Chevron et nous avons monté une position défensive. Ca devait être le 20 décembre 1944. Le 21 décembre , j'ai fêté mon anniversaire là-bas, non je m'excuse mon anniversaire s'est passé en haut de la crête, parce que j'ai recu un télégramme de mon frère, ou plutôt un message. j'avais 20 ans et sur le message de mon frère, il disait " cela prend 21 ans pour faire un homme ! Signé affectueusement, ton frère John ". il pensait que j'avais 21 ans, mais je ne les avais pas. J'ai encore le télégramme. En tout cas, nous avons bougé de là après mon anniversaire et nous sommes descendus près de Chevron, nous avons mis en place une position défensive...>>. 

Ralph, que nécessitait la position défensive ?

<<.....Eh bien, en premier lieu nous avions le terrain en hauteur, et c'était une route de campagne. Une autre route de campagne située à 4 ou 500m descendait vers la vallée. Il y avait au milieu un petit lac et un champ sur le coté , cet espace était bordé par une large ligne d'arbres. Le second bataillon de la compagnie F était à côté du lac le long de la route, juste au milieu du champ se trouvait une botte de foin que les agriculteurs avaient mis là bien avant notre arrivée. Nous avions tellement froid, qu'il nous fallait des surbottes  que nous n'avions toujours pas en notre possession. Nous sommes alors parti en patrouille et le commandant de la compagnie m'a dit d'aller chercher et éventuellement trouver des personnes avec qui nous pourrions prendre contact. Nous sommes donc descendus en bas de la route, à travers le champ, nous l'avons traversé a toute vitesse. Un moment donné, sur la route nous avons aperçu un véhicule américain que venait vers nous, c'était un gros camion et le conducteur était noir. je lui ai dit " que transportes tu ? ". J'avais ma Thompson chargée et je le regardais, je lui ai dit, " je vais te dire ce que tu peux faire, soit tu sors et tu ouvres la porte à l' arrière du camion soit nous allons le faire, mais ce serait mieux que tu le fasses ". Alors il s'est levé et l' a ouverte et il y avait un chargement complet de surbottes. J'ai simplement dit " jette les sur le sol". je suis allé chercher tous les gars et tout le monde a obtenu une paire de surbottes....>>.

Ralph, c'est quoi exactement des surbottes ?

<<.....Des chaussures, avec du caoutchouc et des attaches métalliques pour chaussures....>>.

Ralph, que s'est il passé la nuit de Noël ?

Lors de la nuit de Noël, parce qu'ils savent que nous aimions Noël, les allemands qui étaient dans le bois à l'arrière de notre position, nous ont attaqué ainsi que les gars du 3eme Bataillon qui n'étaient pas très loin de nous. Nous avions avec nous un petit gars qui s'appelait Clay, qui était mitrailleur et je lui ai dit " Clay, si quelque chose arrive, peu importe ce qui arrive, tu mets le feu à cette saloperie ( Ralph parle de la botte de foin au milieu du champs ). Les Allemands se sont approchés, juste en face de nous, Clay a fait feu sur la botte de foin qui s'est allumée comme une torche. Nous avons tiré sur les allemands jusqu'à ce qu'il n'en reste plus un de vivants. J'étais quant à moi installé sur une petite position ou j'étais protégé sur le flanc par le lac, quelques autres gars de la compagnie protégeaient l'autre flanc. Le lendemain matin nous avons trouvé 33 ou 34 Allemands morts dans le champ. Un des gars qui s'appelait Klebinger, non pas Klebinger mais Joe Kanansee a dit " je vais aller là-bas et voir ce que je peux trouver". Comme des monstres ou autre chose, il était comme ça Joe. Alors il est sorti, et est descendu jusqu'à l'endroit où les Allemands étaient morts. Pas de chance pour lui, Joe fût touché à l'épaule par un tir de sniper. Heureusement pour Joe, la balle l'a juste effleuré, mais il pensait qu'il avait été touché à mort ou quelques chose comme ça. L'un de nos gars le regardait et il a dit " Joe tu as vraiment mal " , Joe se tenait l'épaule avec ses mains et il n'arrêtait pas de se plaindre. On lui conseilla d'aller voir le Medic, en pensant qu'il avait gagné un retour à la maison. Suivant nos conseils Joe est allé voir un Medic qui se trouvait à l'arrière, malheureusement pour Joe le Medic a commencé a se moquer un peu de lui et lui a dit " Joe je vais te donner un pansement à mettre par dessus, tu as juste un gros coup bleu sur ton épaule". Joe était en colère contre nous, à cause de nos moqueries à son égard. Il n'aurait jamais dû aller là-bas, il était sorti pour chercher des armes , des monstres, tout ce qu'il pouvait trouver....>>.

Ralph, vous êtes resté longtemps sur cette position ?

<<.....Je ne sais plus vraiment, je pense 3 jours, et après nous sommes partis en réserve pendant un moment, si j'ai bonne mémoire 3 jours encore. La petite ville suivante où nous sommes allés était....., j'ai oublié le nom je m'excuse. Le nom m'échappe complètement....>>.

A suivre....

©Claude Timmermans