Remember 1944, le blog de Claude Timmermans

Dans l'article précèdent, nous avons quitté Ralph qui venait d'atteindre avec sa compagnie la ville de Beuzeville-la-Bastille.

Ralph après voir aperçu le Général Gavin et le Général Ridgeway qu'avez-vous fait ?

<<......Nous sommes partis et je crois que c'est la compagnie E qui a pris la tête du peloton. Nous sommes allés vers le sud en direction du village de Baupte qui était à plus ou moins 12km de nous.....>>.

Ralph, vous étiez de la compagnie F ?

<<......Oui, compagnie F du 508. J'ai le souvenir qu'en chemin il y avait une énorme ferme en pierre avec une grande grange également en pierre. J'y suis retourné en 1974 et je suis rentré et j'ai dit bonjour à un homme et il s'est souvenu de nous marchant le long de la route, je l'ai revu plusieurs fois depuis. Je me souviens que pour rentrer dans la ville il y avait un virage à droite et un grand champs. A la sortie du village se trouvait un ruisseau et il y avait un pont suspendu........>>.

Ralph un mauvais souvenir le passage par Baupte?

<<......Oui nous devions traverser le pont de nuit et nous retrouver dans un champ où nous serions tous a couvert sous les haies, malheureusement une grenade est tombée juste à côté de nous, nous étions 8 ou 9 à cet endroit et j'ai été touché au visage. Nous étions tous blessés et Hector mon frère d'armes a été tué. Je n'arrive pas a me souvenir du nom de famille d'Hector et de celui des autres, c'est un peu flou. Je pense que l'un des caporaux était de Chicago et se nommait Bill Lyndon , il a décidé de traverser ce pont suspendu, et il était piégé et ça l'a fait totalement sauter. Finalement nous l'avons sorti de là et placé à l'arrière de la jeep médicale. Il était toujours en vie quand il est parti , mais je n'ai plus jamais entendu parler de lui, personne n'a su ce qu'il est devenu. Il y avait une flotte de véhicules allemands (photo du dessus )  juste a la sortie du village, le colonel Shanley nous a ordonné d'y aller et de prendre cette flotte de véhicules. En repartant avec une partie des véhicules ils ont descendu la grande route avec des crêtes des deux côtés. il y avait aussi une petite route très étroite et en montant sur les crêtes nous pouvions sauter directement sur un tank qui était sur la petite route. Eh bien un gars a sauté et a ouvert la trappe du tank et a jeté une grenade Gammon à l'intérieur du tank, fermé la trappe et sauté  le plus loin possible du tank. Les grenades Gammon étaient très sensibles, il suffisait de dévisser le haut, vous avez une goupille qui va au travers et vous prenez la bande et vous la déroulez,  il y a une pièce en plomb au bout, c'est très facile à utiliser.....>>.

Ralph on dirait en sac en tissu cette grenade ?

<<.....Oui, c'est un sac élastique, et vous pouviez mettre autant de quantité d'explosif que vous vouliez dans le sac. Vous pouviez y mettre un morceau de C2 (*) de grande taille. ils ont supprimé deux chars sur ce chemin, mais ils n'étaient pas de ma compagnie, c'était des gars de la compagnie E et je pense que c'est cette compagnie qui a pris la flotte automobile. Je me mélange un peu dans mes souvenirs concernant ce passage, je ne me souviens plus du nombre de véhicules qu'ils ont pris, mes souvenirs ne sont plus aussi bons qu'avant. Je sais que nous sommes descendus vers la ville de Baupte où était positionné un canon US de 37mm, placé directement au bord de la place centrale de la ville. En bas de la route a environ 100 yards arrivait un char Tigre et j'ai dit au gars du canon qu'il ferait mieux de foutre le camp avant que le tigre ne le réduise en miette. Heureusement il y a eu un bombardement et ils ont eu le char. Nous avons fini par prendre la ville de Baupte où nous avons retrouvé la 101eme, nous avons alors pris contact avec eux un peu plus tard dans l'après-midi. Nous y sommes restés quelques jours, un court repos parce qu'ils avaient envoyé une des compagnies devant nous pour prendre un petit relief. Nous étions en quelque sorte en réserve et nous nous reposions un peu. Nous avions quelques prisonniers dont un qui parlait parfaitement l'anglais, il connaissait tout sur les USA et je me suis assis à côté de lui et je lui ai parlé un bon moment. Durant notre longue conversation je lui ai demandé pourquoi es tu retourné en Allemagne? Il m'a répondu que sa famille était Allemande et qu'il était de son devoir de rejoindre l'Allemagne pour se battre à leur côté.....>>.

Ralph, c'etait si j'ai bien compris 5 ou 6 jours après avoir débarqué?

<<......Non,non ca devait être.......Baupte le 12, ce qui fait 6 jours après. Nous avons eu un jour de repos le 13 ou 14, et ensuite nous avons bougé vers Etienville. Nous avons traversé quelques escarmouches sur la route d' Etienville, nous y sommes resté quelques jours fortement isolés du reste des troupes. En fait nous étions derrière les lignes Allemandes, quelques gars à la fois traversaient les lignes pour se rendre à la rivière Merderet, ça leur a pris un jour pour s'y rendre et 5 pour la traverser. c'est ainsi que cela fonctionnait. Donc autour du 18 ou 19 juin nous étions dans une ville dont je ne me souviens plus du nom, chaque fois que nous traversions un bâtiment, nous  devions fouiller et nettoyer le bâtiment, c'était devenu la routine en fait.....>>.

Ralph, c'était une façon assez dangereuse de se battre?

<<......Oui, en fait un de nos gars avait disparu et il était  impossible de le trouver, nous pensions que les Allemands l'avaient eu. C'est seulement trois jours plus tard que nous l'avons retrouvé dans le sous-sol d'une maison et il buvait du vin avec quelques filles!!!! Il était bon pour la cour martiale, mais nous l'avons couvert. Le gars était saoul, ne pouvait trouver son chemin, ne trouvait plus son casque etc etc...Quoiqu'il en soit nous avons pris soin de lui. Nous avons alors pris la direction de la Colline 131 tout en recevant des tirs de mortier à coté de nous et j'ai été projeté contre une haie et mon genou droit  et mon dos me faisaient mal. Ils ont presque dû me trainer pour me sortir de là...>>.

Ralph comme tu étais blessé, tu as été envoyé vers Utah Beach ?

<<......Oui, ils m'ont mis sur un brancard car j'avais très mal pour m'amener à l'hôpital et c'est quand j'y étais que quelqu'un m'a volé mes bottes. J'y ai passé la nuit et cette nuit là on m'a volé mes bottes....>>.

Ralph comment vous êtes vous senti ? Quelle était l'importance de ces bottes pour un parachutiste ?

<<......Oh c'est comme un symbole, vous appartenez à une organisation, c'est votre symbole car personne d'autre n'en portait. Pourtant tout autour de nous des gars circulaient avec ces bottes et nous leur avons dit '' Où diable avez-vous eu ces bottes ? '' ils nous répondaient '' Ce gars me les a vendues '' moi je leur ai répondu '' Connerie, ils ne te les ont pas vendues, tu les a probablement volées". je n'ai pas réussi a retrouver les miennes et pourtant je les ai cherchées. je n'ai jamais pu retrouver le gars et c'est un bonne chose parce que j'avais mon 45 dans la main et je n'étais pas d'humeur pour faire l'imbécile, vous comprenez? A ce moment j'etais un jeune garçon de 19 ans.....>>. 

Ralph,vous étiez une seconde fois blessé ?

<<......Exactement, ce type m'a totalement anéanti quand il a pris mes bottes, je n'avais plus de chaussure à porter. Ils ont du me donner une paire de chaussure de l'infanterie. finalement j'ai surmonté cela....>>.

Ralph , après la nuit passée à l'hospital, c'est le retour en Angleterre? 

<<......Oui ,j'étais avec le sergent Jim Borne qui a été touché au même moment que moi, ils nous ont envoyé tous les deux à l'arrière dans une jeep en direction de la plage. Nous sommes montés dans un LST et je me souviens que j'étais capable de me lever un petit peu. Je me souviens quand ils ont ouvert l'avant du LST avoir entendu le hurlement d'un JU-88 qui venait en direction du milieu de la plage. Il n'a rein largué, rien fait, il est juste passé 30m au dessus de nos têtes. J'ai dit tu dois être un idiot, ici se trouve la moitié de l'armée mondiale assis sur cette plage et tu te moques de moi. Finalement ils nous ont chargés à bord et nous ont amenés à Southampton. Quand j'y suis arrivé j'ai été transféré dans un hôpital mais je ne me souviens pas du nom de la ville. Quand je suis sorti de l'hôpital je suis retourné à Nottingham. A ce moment, nous étions prêts à faire le saut au-dessus de la Hollande, ce que nous ignorions à l'époque ...>>.

Ralph, tu as évoqué plutôt dans l'interview quelques combats de rue et le nettoyage d'immeubles. Quelle était la procédure prévue pour cela ?

<<......Eh bien, avant tout, nous savons que chacun a un sixième sens pour ces choses, la plupart du temps vous pouvez sentir quand il y a un problème ou quelques chose. Vous n'avez pas besoin de dire quoique ce soit, personne ne fait rien, vous savez juste que c'est là. Eh bien la première chose que tu fais c'est de lancer une grenade par la fenêtre, après tu ouvres la porte d'un grand coup de pied  et tu jettes une grenade à l'intérieur. Si il y avaient des personnes à l'intérieur après la grenade, normalement ils sont tués. Il faut quand même être très prudent quand vous entrez dans la pièce, on ne sait jamais. C'était la même procédure avec les granges. Les allemands se cachaient partout, dans les maisons, les granges, les haies , tous les endroits susceptibles de servir de cachettes. Cela devenait une routine pour nous, 3 ou 4 gars pour une maison, une grange ou autres c'était souvent suffisant, très souvent......>>.

A suivre ......

© Claude Timmermans